Le résumé qui suit rend compte des délibérations du Conseil de direction de la Banque du Canada ayant mené à la  décision de politique monétaire annoncée le 4 juin 2025.

Il reflète les discussions et les délibérations qu’ont tenues les membres du Conseil de direction à la troisième étape du processus entourant les décisions de politique monétaire, soit après avoir reçu toutes les informations et recommandations pertinentes du personnel.

Les réunions concernées, présidées par le gouverneur Tiff Macklem, ont débuté le 30 mai 2025. La première sous-gouverneure Carolyn Rogers, le sous-gouverneur Toni Gravelle, la sous-gouverneure Sharon Kozicki, le sous-gouverneur Nicolas Vincent, le sous-gouverneur Rhys Mendes et la sous-gouverneure Michelle Alexopoulos y ont participé.

Économie internationale

Les membres du Conseil ont ouvert leurs délibérations en discutant de l’évolution de l’économie mondiale depuis la parution du Rapport sur la politique monétaire d’avril. Les États-Unis avaient continué d’imposer des droits de douane à bon nombre de leurs partenaires commerciaux et de faire marche arrière. Néanmoins, le risque d’une guerre commerciale mondiale prolongée combinée à des droits de douane très élevés s’était atténué depuis la décision d’avril. La guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine s’était apaisée – les droits de douane avaient été considérablement abaissés, mais pas supprimés – et l’administration américaine négociait des accords commerciaux avec de nombreux pays. Malgré cette désescalade, les membres s’entendaient pour dire que les droits de douane américains avaient considérablement augmenté depuis le début de l’année, que la politique commerciale des États-Unis restait imprévisible et que l’incertitude était élevée.

Les membres ont reconnu que l’économie mondiale demeurait résiliente malgré l’incertitude importante causée par les droits de douane. Aux États-Unis, la demande intérieure était restée vigoureuse, affichant une croissance d’environ 2,5 % au premier trimestre. Les dépenses de consommation avaient augmenté modestement durant la même période. Les données sur les dépenses de consommation des ménages jusqu’en avril laissaient croire que la consommation allait se renforcer au deuxième trimestre, même si la confiance des consommateurs était à un niveau historiquement bas. La solidité du marché du travail soutenait les revenus et les dépenses. L’inflation aux États-Unis s’était atténuée progressivement, conformément aux prévisions, mais les données commençaient tout juste à refléter l’incidence des droits de douane.

L’économie de la zone euro avait été forte au premier trimestre, les exportations ayant été devancées en prévision des droits de douane américains, ce qui avait stimulé l’industrie manufacturière. Les dépenses de défense dans la zone euro étaient appelées à augmenter, ce qui viendrait soutenir la croissance. En Chine, la croissance économique avait ralenti, l’effet stimulant des mesures budgétaires ayant commencé à s’estomper au premier trimestre. Les exportations chinoises vers plusieurs partenaires commerciaux étaient restées solides, même si celles vers les États-Unis s’étaient affaiblies.

Les membres ont noté que les conditions financières étaient similaires à celles observées au début de l’année, quoique le dollar canadien s’était apprécié d’environ 4 %, en grande partie en raison de la faiblesse générale du dollar américain. Les turbulences qui avaient secoué les marchés en avril avaient été graves, mais de courte durée. Les marchés financiers restaient sensibles aux annonces concernant les politiques américaines, mais la volatilité s’était atténuée, les droits de douane américains ayant été réduits par rapport à leurs sommets du début avril. Selon le pronostic du marché, la probabilité d’une récession avait diminué. Les marchés boursiers en Amérique du Nord et en Europe avaient reculé de jusqu’à 20 % en avril, mais avaient depuis regagné une grande partie de la valeur perdue. De même, après s’être creusés en avril, les écarts de crédit étaient de retour à leurs niveaux de janvier. Les cours mondiaux du pétrole avaient fluctué au cours des derniers mois, mais se rapprochaient de leurs niveaux d’avril.

Économie canadienne et perspectives d’inflation au pays

Les membres ont ensuite porté leur attention sur l’évolution récente de l’économie canadienne. La croissance économique au premier trimestre avait été légèrement supérieure aux attentes, et sa composition avait essentiellement cadré avec les prévisions. Les exportations et l’accumulation de stocks avaient fortement contribué à la croissance, les entreprises ayant agi en anticipation des droits de douane. Les dépenses de consommation et les investissements des entreprises y avaient également apporté une contribution, et ce, malgré les inquiétudes considérables suscitées par la politique commerciale américaine. L’activité sur le marché du logement et les dépenses publiques avaient reculé.

Alors que la demande intérieure finale était restée stable, la consommation avait augmenté de 1,2 % au premier trimestre. Les données du commerce de détail pour le mois de mars donnaient à penser que les dépenses des ménages s’étaient maintenues, même si la confiance des consommateurs s’était affaiblie. Le Conseil a été encouragé par la vigueur de la croissance des investissements des entreprises au premier trimestre, mais a reconnu qu’elle était probablement temporaire. Les dépenses en machines et matériel avaient progressé de plus de 20 %, ce qui pouvait indiquer que les entreprises avaient devancé leurs achats avant que les droits de douane ne fassent augmenter les coûts. L’investissement résidentiel avait nettement reculé. Il a été convenu que l’incertitude élevée avait peut-être pesé sur les ventes de logements et que la baisse de l’immigration avait possiblement contribué au ralentissement de la croissance de la demande. Les membres ont noté que la faiblesse de l’activité sur le marché du logement était concentrée dans les régions de Toronto et de Vancouver, et que les nouvelles politiques en matière de logement devraient apporter un certain soutien à l’avenir.

Les membres du Conseil ont exprimé des préoccupations par rapport à l’affaiblissement du marché du travail. La croissance de l’emploi avait ralenti en avril, l’emploi dans le secteur privé ayant reculé. Le taux de cessation d’emploi avait augmenté et le taux de chômage était monté à 6,9 %. Le marché de l’emploi était particulièrement faible dans les secteurs liés au commerce extérieur, comme la fabrication. Les données de l’Enquête sur la population active d’avril n’indiquaient pas que la détérioration des conditions du marché du travail dans ces secteurs s’était propagée à d’autres secteurs de l’économie. Mais cette faiblesse n’avait pas été compensée par une vigueur dans d’autres secteurs. Les entreprises avaient également signalé une modération de leurs intentions d’embauche. La plupart des mesures indiquaient que la croissance des salaires continuait de ralentir.

Dans l’ensemble, le Conseil a convenu que l’économie s’était montrée plus résiliente que prévu. Les membres s’attendaient à ce que l’élan de la croissance des exportations s’estompe rapidement en raison du maintien des droits de douane et de la persistance de l’incertitude, et parce que le devancement des exportations s’était fait au détriment de la croissance future. Comme la demande intérieure était probablement modérée, un deuxième trimestre beaucoup plus faible était attendu.

Les membres ont discuté longuement des récentes données sur l’inflation. L’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation (IPC) était descendue à 1,7 % en avril. Le retrait de la taxe sur le carbone pour les consommateurs avait fait baisser le taux d’inflation global de 0,6 point de pourcentage. Abstraction faite des taxes, l’inflation se situait à 2,3 %, légèrement au-dessus des attentes.

Le taux d’augmentation des prix des biens hors énergie avait continué d’augmenter, mais demeurait proche de sa moyenne historique. Celui des aliments s’était établi à 3,8 % en avril, ce qui traduisait une hausse des coûts. Les membres ont convenu que les augmentations de coûts liées aux perturbations du commerce pouvaient jouer un rôle dans la hausse des prix des biens, mais que l’incidence directe des mesures de rétorsion tarifaires n’était pas encore évidente. Force était de constater qu’il serait difficile à l’avenir de suivre la répercussion de la hausse des coûts des intrants sur les prix à la consommation. Quelques membres ont soulevé des préoccupations quant à l’élargissement de la gamme de composantes de l’IPC qui avaient progressé de plus de 3 % ces derniers mois, en particulier pour les services. D’autres ont fait remarquer qu’une partie de la récente hausse des prix des services pourrait être attribuable à des augmentations ponctuelles survenues pendant cette période. La hausse des prix des services liés au logement avait continué de ralentir, mais avait tout de même contribué de manière importante à l’inflation globale.

Les mesures de l’inflation fondamentale privilégiées par la Banque avaient augmenté et se situaient au-dessus de 3 %. D’autres mesures de l’inflation sous-jacente s’étaient également inscrites en hausse, mais leurs niveaux variaient. Les membres ont discuté de ce qui pouvait être à la source des pressions inflationnistes sous-jacentes : la dépréciation passée du dollar canadien; les effets sur les coûts découlant des perturbations du commerce liées à l’ajustement des chaînes d’approvisionnement par les entreprises; l’évolution des comportements des consommateurs, comme une préférence accrue pour l’achat de produits canadiens; le moment des augmentations annuelles des prix de certains services administratifs; ou une combinaison de ces facteurs. Les membres ont noté que les mesures de l’inflation sous-jacente avaient été plus élevées que prévu depuis le début de l’année. Il a été convenu qu’il faudrait surveiller attentivement les variations de l’inflation dans les composantes de l’IPC afin d’évaluer l’évolution des pressions inflationnistes.

Les attentes d’inflation à court terme avaient augmenté au premier trimestre, et les résultats de récentes enquêtes continuaient d’indiquer que les consommateurs s’attendaient à une hausse des prix en raison des droits de douane. Les données d’enquête et les informations recueillies lors des consultations régionales montraient que les entreprises anticipaient également une montée des coûts en raison des droits de douane ainsi que des efforts de réorganisation des chaînes d’approvisionnement et de recherche de nouveaux marchés pour leurs produits. Beaucoup d’entre elles avaient indiqué qu’elles répercuteraient ces coûts supplémentaires sur leur clientèle sous la forme d’une hausse des prix.

Même si l’activité économique affichait une certaine résilience face à l’incertitude commerciale, les membres ont reconnu qu’une période de croissance économique plus faible s’annonçait, soulignant en même temps que l’inflation était légèrement plus forte que prévu. La hausse de l’inflation fondamentale pouvait indiquer que l’inflation sous-jacente était plus forte qu’estimé auparavant. Le Conseil a convenu qu’il devrait continuer à évaluer avec soin l’évolution et l’intensité à la fois des pressions à la baisse sur l’inflation attribuables à une économie plus faible et des pressions à la hausse induites par l’augmentation des coûts.

Considérations pour la politique monétaire

Le Conseil a discuté des risques et des incertitudes pesant sur l’économie canadienne dans son évaluation de l’orientation actuelle et de la trajectoire de la politique monétaire. Comme lors de la réunion précédente, les membres ont jugé utile de faire la distinction entre deux couches d’incertitude, soit l’incertitude quant à la trajectoire de la politique commerciale américaine et l’incertitude entourant les répercussions des droits de douane.

La principale source d’incertitude – et la plus grande menace pesant sur l’économie canadienne – était le conflit commercial déclenché par les États-Unis. Les membres ont analysé l’évolution de ce risque depuis la publication du Rapport d’avril. Malgré leurs points de vue variés sur la direction que pourrait prendre la politique commerciale américaine, les membres étaient d’accord pour dire qu’une grave et longue guerre commerciale mondiale était devenue moins probable. Un certain optimisme prudent s’est dégagé des discussions quant au fait que les négociations commerciales en cours entre les États-Unis et bon nombre de leurs partenaires commerciaux pourraient réduire l’incertitude et limiter les dommages causés à l’économie mondiale. Malgré cela, il était entendu que la politique commerciale des États-Unis restait imprévisible – un fait qui a d’ailleurs été démontré lorsque l’administration Trump a annoncé durant les délibérations qu’elle portait à 50 % les droits de douane sur les exportations d’acier et d’aluminium aux États-Unis, soit le double de ce qu’ils étaient.

Les membres ont également échangé divers points de vue sur la réaction attendue de l’économie au conflit commercial, examinant les informations à leur disposition concernant les quatre principaux indicateurs sur leur radar pour évaluer l’incidence des droits de douane.

  • Dans quelle mesure les droits de douane plus élevés font baisser la demande pour les exportations canadiennes : La croissance des exportations avait été robuste au premier trimestre, les entreprises américaines ayant devancé des achats dans l’anticipation que les droits de douane fassent augmenter les coûts. Il était bien attendu que cette poussée des exportations s’estompe rapidement, mais les données étaient encore insuffisantes pour mesurer l’ampleur et la persistance du ralentissement.
  • À quel point cette baisse de la demande a une incidence sur les investissements des entreprises, l’emploi et les dépenses des ménages : Jusque-là, les répercussions semblaient se concentrer dans les secteurs liés au commerce extérieur – en particulier le secteur automobile, où des mises à pied avaient été annoncées. Même si les investissements des entreprises et les dépenses de consommation avaient affiché une certaine résilience au premier trimestre, ils allaient probablement être modérés au deuxième trimestre. Une remontée attendue des dépenses publiques, qui avaient diminué au premier trimestre, pourrait compenser en partie la contribution négative des exportations à la croissance.
  • Avec quelle ampleur et à quelle vitesse les hausses de coûts sont répercutées sur les prix à la consommation : Les entreprises avaient signalé des hausses de coûts liées à la gestion de leurs chaînes d’approvisionnement, notamment pour trouver de nouveaux fournisseurs et percer de nouveaux marchés. Cela pourrait avoir contribué à faire monter l’inflation dans le secteur des biens. Mais il était encore trop tôt pour évaluer avec quelle ampleur et à quelle vitesse les contre-mesures canadiennes se répercuteraient sur les prix à la consommation.
  • Comment évoluent les attentes d’inflation : Depuis le début de l’année, les attentes d’inflation à court terme avaient augmenté tant du côté des consommateurs que du côté des entreprises. Les attentes à long terme restaient quant à elles bien ancrées.

Le Conseil a passé un certain temps à évaluer l’ampleur des pressions sur l’inflation : celles à la baisse qui pourraient découler de l’affaiblissement de la demande, et celles à la hausse principalement attribuables à la montée des coûts causée par le conflit commercial.

Le niveau des mesures de l’inflation sous-jacente s’expliquait par le fait que le taux d’augmentation des prix des services liés au logement restait élevé même s’il diminuait. Le Conseil était d’avis que la baisse du coût de l’intérêt hypothécaire viendrait renforcer cette diminution. Comme il était attendu que la croissance ralentisse et que le chômage monte, les capacités excédentaires augmenteraient, ce qui créerait des pressions à la baisse sur l’inflation.

En même temps, les membres ont souligné que les pressions inflationnistes sous-jacentes pourraient persister pendant une longue période, le temps que les consommateurs et les entreprises s’adaptent à la réorganisation du commerce mondial. Les répercussions directes des droits de douane ne commenceraient à se faire sentir sur les prix à la consommation que dans les mois à venir. Les entreprises avaient signalé qu’elles répercuteraient sur leurs prix la hausse des coûts attribuable aux perturbations commerciales et qu’elles pourraient utiliser les droits de douane comme justification. Et même si l’inflation globale avait chuté en raison du retrait de la taxe sur le carbone, cet effet s’estomperait au bout d’un an, tandis que les répercussions des droits de douane pourraient persister. Ces facteurs pourraient créer des pressions à la hausse persistantes sur l’inflation.

Le Conseil a convenu que la dynamique de tous ces facteurs était complexe et pouvait évoluer de plusieurs façons, et qu’il devrait donc procéder avec prudence pour la suite des choses à mesure qu’il amasserait de nouvelles informations.

Décision de politique monétaire

Les membres ont discuté de l’orientation appropriée à donner à la politique monétaire, compte tenu des risques et des incertitudes pesant sur l’économie et l’inflation. Deux options ont fait l’objet de discussions : maintenir le taux directeur à 2,75 % ou l’abaisser de 25 points de base.

Trois facteurs ont occupé une place particulièrement importante dans les délibérations du Conseil. Premièrement, l’incertitude demeurait très élevée. Deuxièmement, l’économie canadienne s’était affaiblie, mais pas de façon marquée. La demande intérieure finale était restée stable au premier trimestre après avoir fortement progressé au trimestre précédent. Pourtant, la croissance globale du produit intérieur brut avait affiché un bon rythme grâce au devancement des exportations et à la relative résilience de la consommation et des investissements des entreprises. Troisièmement, les récentes données sur l’inflation étaient légèrement plus fortes que prévu. Les mesures de l’inflation sous-jacente avaient légèrement augmenté, mais il était trop tôt pour dire si la cause en était la volatilité de l’inflation ou les pressions persistantes sur les coûts. Le Conseil a reconnu que l’inflation sous-jacente pourrait être plus forte qu’il ne l’avait anticipé.

Principalement au regard de ces considérations, le Conseil a décidé de maintenir le taux directeur à 2,75 %, le temps d’amasser plus d’informations sur la politique commerciale américaine et ses effets sur l’économie canadienne.

Les membres ont aussi discuté de la trajectoire future des taux d’intérêt, convenant que l’incertitude politique accrue continuerait probablement de peser sur l’activité économique au Canada. L’ampleur du ralentissement économique dépendrait de l’évolution de la politique commerciale américaine, de la réponse des entreprises et des gouvernements, ainsi que de la pression que tout cela exercerait sur la confiance des ménages, le marché du travail et la consommation. Les avis étaient quelque peu partagés quant au déroulement le plus probable de la suite des choses. Plus l’économie serait faible et les pressions à la baisse sur l’inflation fortes, plus il serait nécessaire d’abaisser de nouveau le taux directeur. Cependant, si la récente vigueur de l’inflation sous-jacente devait persister, il serait plus difficile de le réduire. Dans l’ensemble, les membres du Conseil étaient d’avis qu’il pourrait falloir baisser davantage le taux directeur si les effets des droits de douane américains et l’incertitude continuaient de se répandre dans l’économie, et que les pressions sur l’inflation découlant des coûts étaient maîtrisées.

Les membres ont convenu de continuer à évaluer les pressions opposées exercées sur l’inflation par la demande plus faible et les coûts plus élevés, en portant une attention particulière aux quatre indicateurs expliqués précédemment. Les membres ont convenu que, face aux droits de douane, la politique monétaire devait soutenir l’économie tout en continuant de maintenir la stabilité des prix, son objectif principal.

Enfin, compte tenu de la grande incertitude entourant la politique commerciale et ses répercussions sur l’économie et l’inflation au Canada, le Conseil a convenu de réitérer dans ses communications qu’il procéderait avec prudence, en étant moins tourné vers l’avenir qu’à l’habitude et en accordant une attention particulière aux risques.

Sur cette page
Table des matières